fabriquer des armes et des outils

Le minerai de fer est un minerai pauvre appelé "alios" qui se constitue par transport, sous l'action des eaux, et agrégation, des molécules d'oxydes, présentes en grandes quantités dans les couches argilo-sableuses du sous-sol local. Il se trouve à faible profondeur (un à deux mètres), ce qui rend son extraction facile. Il se présente sous la forme de rognons ou de plaques. Une gangue sableuse enferme un matériau habituellement noir. C'est un agglomérat d'oxydes de fer et d'impuretés.

Les vestiges de ces ateliers de réduction du minerai de fer sont principalement de trois sortes :
- les fosses d'extraction de minerai,
- les résidus ou scories,
- les fragments de parois de fours.

La plupart des mares forestières sont des fosses d'extraction de minerai, mais toutes les mares ne sont pas des fosses d'extraction et toutes les fosses ne sont pas inondées. Elles se caractérisent par des pentes très douces et une faible profondeur. Elles peuvent atteindre quatre-vingts mètres de longueur, mais la plupart sont plus petites. Beaucoup s'assèchent l'été. Quelques unes, sur un sous-sol perméable, sont sans eau toute l'année.
Postérieurement à l'exploitation du minerai, les fosses accueillent parfois des dépots de scories.

La fusion du minerai est réalisée dans un four (ci-dessous) en empilant des couches alternées de minerai concassé
et grillé avec du charbon de bois fourni par la forêt. Les températures atteintes, de l'ordre de 700 à 1000 degrés, provoquent la combinaison des atomes d'oxygène (O) présents dans les molécules d'oxydes (Fe2O3, Fe3O4) avec ceux du carbone (C) du charbon. Cette recombinaison produit du gaz carbonique (CO2). Des oxydes primitifs, il ne reste que le fer (Fe). Le terme de réduction, et celui d'oxydation qui décrit le phénomène opposé, sont deux mots issus du vocabulaire de la chimie. On parle ici (par un raccourci du langage) de réduction du minerai.
Dit d'une autre manière, l'apport de chaleur permet de casser les molécules d'oxyde, et de recombiner leur oxygène avec le carbone qui fournit cette chaleur.

Concrètement, un noyau de métal fondu (une" loupe de fer") nage alors au milieu de résidus. Une coulée est réalisée, où les résidus se solidifient en scories. Celles-ci présentent une surface en vagues, témoin de cet écoulement. A l'intérieur, la matière est soufflée de petites bulles qui résultent de la libération des gaz lors de la réduction. Ces scories sont assez denses, car elles conservent une part de métal.

Réunies en amas, elles constituent des ferriers. On y trouve en outre des fragments de parois de fours, des tessons de poteries, parfois de la tuile, ou d'autres éléments permettant ou non une datation. Certains ferriers témoignent ainsi d'une métallurgie gallo-romaine ; d'autres se rattachent au Moyen-Age.
Un ferrier n'est donc pas à proprement parler l'emplacement d'une forge, celle-ci destinée à transformer la loupe de fer extraite du four et résultant de la réduction du minerai.
Il y a deux métiers différents :
- celui du fondeur dont le travail consistait à tirer le métal du minerai,
- celui du forgeron qui transformait la loupe de fer produite par le fondeur." Christian Richard).
On distingue aussi des scories de forge résultant d'une recombinaison de parcelles de métal avec l'excès d'oxygène apporté par le soufflet, dans le fourneau du forgeron. Recombinaison d'autant plus facile que la qualité du métal, non inoxydable, favorisait l'oxydation. S'il fallait décrire une scorie de forge, je parlerai d'un patatoïde de format modeste, plus dense qu'une scorie de réduction, ne présentant pas de traces de coulée, et dont le volume est dépourvu de bulles gazeuses.

L'aspect des scories peut être un élément dans l'approche de la datation. Au fil des siècles les techniques de réduction du minerai se sont affinées (utilisation de la potasse comme fondant au Moyen-Age) et les déchets contiennent de moins en moins de fer. Les scories sont donc moins denses et moins sujettes à l'oxydation. Si celles-ci présentent fréquemment des teintes rouille et si elles sont plus volumineuses à l'époque gallo-romaine, elles sont plus bleutées et plus petites dans les ferriers médiévaux.


Enigme : Cette métallurgie, qui a perduré dans ces forêts jusqu'aux XVe-XVIe siècles, aurait dû laisser laisser aussi des traces dans des pièces d'archive. Il n'en est rien. Pourtant les fondeurs et les forgerons ont eu un impact lourd sur l'environnement (activité minière, abattage des arbres, constitution de villages dédiés à cette activité), lourd aussi par l'importance économique de leurs produits (armes, outils, pièces d'assemblage, etc). On ignore tout de leur vie et de leur statut social.

Sur les sites d'habitat, la découverte d'objets en fer (ou de fragments) est rare. Fortement corrodés, ils se remarquent peu sous la couche de rouille (oxyde de fer, résultat du processus inverse de celui de la réduction) qui les entoure.

Ci-dessus, l'image montre les deux côtés d'un fragment de paroi de four. Côté gauche : l'extérieur. Réalisée en terre crue, la paroi du four cuit en même temps que s'effectue la réduction du minerai et devient de la céramique. Côté droit : l'intérieur. Pendant la "cuisson", des résidus s'accrochent à la paroi, donnant à l'intérieur un aspect "scoriacé".

Au XIXe siècle, les amas de scories ont été fréquemment exploités pour renforcer les chemins.

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Eléments de bibliographie :
P. Pétrequin, Arts du feu et productions artisanales, XXe rencontres internationales d'archéologie et d'histoire d'Antibes, APDCA, 2000.
E.-C. Florance, Scories ferrugineuses très anciennes du Loir-et-Cher et particulièrement de la forêt de Boulogne, 8e congrès préhistorique de France, Monnoyer, 1913.
C. Richard, Introduction à l'étude des sites métallurgiques du fer en Haut-Poitou Méridional dans l'antiquité gallo-romaine, Bulletin de la Société des Antiquaires de l'ouest et des Musées de Poitiers, 5e série, t. 4, p. 243-272, 1990.
L.Magiorani, Vestiges de métallurgie ancienne en forêt de Boulogne,
sur ce site, et, Bulletin du G.R.A.H.S., t. 22, n° 1, janvier-mars 2000, p. 1-18


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