en particulier...
le grand fossé de Montbénard.

Même si, à travers ces prospections une certaine vision de l'histoire surgit à fleur de sol, (structure : terme générique désignant les éléments d'un site, ou de plusieurs sites se recoupant) nombre de structures ne trouvent pas d'explication évidente, notamment quant à leur fonction, sur un simple regard en surface.

Ci-dessous un exemple majeur.

Cette énigme a été à la source de bien des écrits et de bien des théories, assez extravagantes pour la plupart. Le "Grand Fossé de Montbénard" a eu de nombreux visiteurs. J. de Saint-Venant en a dressé un plan (repris par E.-C. Florance, bien sûr, que je m'empresse d'imiter), et donné une description détaillée.

Pour résumer, l'ouvrage,
long de 500 mètres, est formé de fosses successives, plus profondes que les biefs qui les relient. Large de 3 à 5 mètres, la moitié nord est bordée de talus dominant les fonds de 2 mètres environ. La moitié sud change radicalement d'aspect, constituée "d'un très vaste fossé de 25 mètres d'ouverture et de 4 à 5 mètres de profondeur... Tout au sud, le fossé s'amenuise "pour ne plus paraître qu'une simple tranchée, puis disparaît complètement. Un peu plus loin, en F, commence ... une autre excavation FF' de peu de longueur, mais large et profonde... dont le talus se continue... jusqu'en G, où il est arrêté par un brusque ressaut de terrain".

De Saint-Venant affirme vouloir se "contenter du rôle de pourvoyeur et [se] borner à signaler et à décrire...", ce qu'il a fait très correctement.
Mais, dans le même article, il cite le marquis de Nadaillac qui fait état d'un fossé sis à Juigalpa (Nicaragua) qui offrirait de semblables cuvettes.
Les remarques qu'il fait ensuite sont d'une meilleure veine : le Grand Fossé n'est
pas un canal car il se situe sur une hauteur, ligne de partage des eaux entre les rivières Cosson et Beuvron ; les environs connaissent des tumulus assez nombreux, dont l'ouest de la forêt est totalement dépourvu (je confirme). Il en dénombre ici une quinzaine (en réalité, une soixantaine sur la moitié est) "dont le Grand Fossé occupe à peu près le centre, mais dont aucun ne lui est contigu". D'où l'idée (sans fondement logique : proximité ne vaut pas simultanéité) de rapprocher dans le temps les deux natures d'ouvrage en terre. "Le Grand Fossé serait alors un ouvrage préhistorique, exécuté dans un but religieux ou de défense et il pourrait peut-être remonter comme la chose est vraisemblable pour la plupart des tumulus de Sologne... à la vieille époque dite Hallstattienne".
Au moins , De Saint-Venant ne se fait-il pas d'illusion sur ses hypothèses, car il termine ainsi: " Mais je me hâte de remettre sous ses verrous la folle du logis, et passe... la main... à de plus habiles qui pourront affirmer et conclure".

E.-C. Florance enchaîne allegro non moderato : "Il y a donc tout lieu de croire que le Grand Fossé était destiné à barrer pour la défense un des passages de la Sologne ; il devait probablement protéger et barrer les deux chemins très anciens qui donnent accès dans les deux vallées situées de chaque côté du barrage. Des fossés d'une importance aussi grande ont été construits à 7 ou 8 kilomètres de là, au nord-est, pour constituer une enceinte, l'enceinte des Hauts-Fossés. Le grand Fossé de Montbénard date sans doute de la même époque que cette enceinte, dont il formait peut-être une première protection. Ces deux grands ouvrages doivent également être de la même époque que les tumulus qui les environnent".

Mais où va donc celui des passages de la Sologne qui est barré par l'ouvrage, et d'où vient-il ? Et barré pour défendre quoi ? De "croire", à "devait", "sans doute", "doivent" et "peut-être", il y a, beaucoup de précautions, c'est vrai ; tant, que les assertions qu'elles accompagnent devraient, sans doute, à tout le moins peut-être, être passées sous silence.

La prospection de la zone apporte peu de renseignements. Au catalogue : des traces d'habitats, l'un gallo-romain à 180 mètres, un second proto-historique (sans autre précision) à 400m, un troisième gallo-romain à 600 m, tous trois au sud-ouest du Grand Fossé ; dix petits tertres dans un rayon de 500 à 600 mètres, tous sur le versant sud ; quatre tumulus dans le même rayon ; quatre sources à 300 mètres ; les deux chemins "très anciens" ont complètement disparu. Rien ne peut permettre d'affirmer qu'il existe une relation entre l'une de ces références et le Grand Fossé.
Quant au caractère monumental du site, il ne constitue pas un indice : à toutes les époques, on trouve de tels ouvrages.

Je ne suis pas encore de ces "plus habiles" qu'attendait M. de Saint-Venant et il ya encore loin, avant d'"affirmer et conclure".

Avec le sérieux requis, on peut seulement dire que le Grand Fossé et le parcellaire de Montfrault eurent à se connaître, puisqu'ils se limitent mutuellement. Trois branches du parcellaire aboutissent à la fosse située à l'extrémité nord-ouest du Grand Fossé. Sur la pente menant à l'étang de Montpercher, le fossé du segment nord sert d'égoût à cette fosse terminale (plan).
Mais, qui précède l'autre dans le temps ?
Si le Grand Fossé a été creusé après le parcellaire, il l'a été pendant la période de validité de ce dernier (respect du parcellaire), c'est-à-dire avant 1233.
Toutefois, le tracé des parcellaires (non alignement des branches les plus à l'est ; la branche intermédiaire s'incurvant pour atteindre la fosse terminale) semble faire de cette fosse un point de repère, et me laisse envisager (sans certitude) que le Grand Fossé est antérieur au parcellaire. Nous ne sommes pas plus avancés quant à la datation : avant le XIIIe siècle.

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Eléments de Bibliographie :
J. de St-Venant, Revue de Loir-et-Cher, n° 1, annexe n° 8, 1892.

 


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